Le maire d’Issy-les-Moulineaux veut installer un casino aux portes de Paris. Une initiative inédite en petite couronne, qui pourrait rebattre les cartes du marché francilien des jeux d’argent. Analyse d’un projet à fort potentiel… et à fortes contraintes.
À l’ouest de Paris, le paysage du jeu pourrait bientôt changer de manière spectaculaire. Dans une déclaration accordée au média Sortir à Paris, André Santini, maire d’Issy-les-Moulineaux et figure politique incontournable des Hauts-de-Seine, a exprimé son intention claire : « On a tout, sauf… un casino. Mais ce sera bientôt réglé ! » Le ton est donné. Derrière cette formule ambitieuse, se profile une opération bien réelle : la création d’un casino à Issy, une première en petite couronne.

Dans les faits, l’appel d’offres serait imminent. Si le projet se concrétise, il marquerait une rupture stratégique dans le paysage francilien des jeux d’argent. Aujourd’hui, seul le casino d’Enghien-les-Bains, adossé à la Compagnie des Alpes (groupe de la Caisse des Dépôts), détient ce monopole en Île-de-France. Et pour cause : depuis la loi de 1919, les casinos sont interdits dans un rayon de 100 kilomètres autour de Paris… à l’exception des villes d’eaux, comme Enghien, bénéficiant d’un statut dérogatoire.
Une faille juridique à exploiter ?
Si le projet d’Issy venait à se concrétiser, il poserait inévitablement la question du cadre réglementaire. Le code de la sécurité intérieure reste strict sur la localisation des établissements de jeux. La jurisprudence est rare, et l’exigence d’un contexte touristique ou thermal demeure, du moins officiellement. Faudra-t-il une évolution législative ? Une extension du régime d’expérimentation déjà mis en place avec les clubs de jeux parisiens depuis 2018 ? Ou un montage juridique innovant, à l’image de celui de la Société d’Exploitation des Jeux d’Enghien ? Rien n’est encore tranché.
En creux, ce projet reflète un mouvement de fond : la montée en puissance des jeux d’argent urbains, dans un contexte de demande croissante pour des expériences de divertissement haut de gamme et de proximité. L’essor des clubs de jeux dans la capitale depuis 2018 a démontré l’appétence du public pour une offre encadrée. En témoignent les performances solides des clubs situés au cœur de Paris.
Un potentiel économique évident
Pour Issy-les-Moulineaux, dont la mutation urbaine a fait émerger un quartier d’affaires flambant neuf (Issy Cœur de Ville), l’arrivée d’un casino serait un marqueur fort. Elle renforcerait l’attractivité du territoire, déjà prisé des entreprises du numérique, et générerait des recettes fiscales non négligeables pour la commune. Dans un environnement où le foncier est rare et convoité, l’implantation d’un complexe de jeux – potentiellement adossé à une offre hôtelière ou événementielle – pourrait séduire un opérateur d’envergure.
Encore faut-il que les autorités préfectorales et le ministère de l’Intérieur suivent. Car si le politique local peut impulser, c’est bien l’État qui dispose du dernier mot.
Vers des casinos urbains ?
Ce projet isséen, s’il réussit à franchir les nombreuses étapes administratives, pourrait rouvrir un débat plus large : celui d’une arrivée raisonné des casinos dans les grandes métropoles françaises. Tandis que l’offre numérique explose et que la concurrence internationale reste vive, les territoires urbains pourraient apparaître comme une nouvelle frontière pour les opérateurs de jeux.
Mais à l’heure actuelle, le cadre légal reste verrouillé. Et les clubs de jeux parisiens – encore en phase d’expérimentation – n’ont pas vocation à proposer des machines à sous ou la roulette. Autant d’éléments qui font l’ADN d’un casino au sens traditionnel.
Le pari du maire d’Issy-les-Moulineaux est audacieux. Il traduit une intuition politique et économique forte : les métropoles ont changé, et les habitudes de consommation aussi. Si la loi suit, alors le casino d’Issy pourrait bien devenir une tête de pont vers une nouvelle ère du jeu urbain. En attendant, la partie ne fait que commencer.
